Vector W8 : L’Ambitieuse Supercar Américaine qui a Défié les Géants

Vector W8 : L’Ambitieuse Supercar Américaine qui a Défié les Géants

(Fiche technique à la fin.)

As sur le court, amateur de sensations fortes sur route : Agassi posait fièrement aux côtés de la Vector W8, son coup de cœur mécanique.

La Genèse d’un Rêve Américain

Dans le paysage automobile des années 80 et 90, dominé par les constructeurs européens de supercars, un nom américain a osé s’élever pour défier l’establishment : Vector. Cette histoire commence avec Gerald Wiegert, un visionnaire passionné qui a consacré sa vie à la poursuite d’un rêve audacieux : créer la supercar ultime, entièrement conçue et fabriquée aux États-Unis. En 1971, Wiegert fonde Vehicle Design Force, qui deviendra plus tard Vector Aeromotive, posant ainsi la première pierre de ce qui allait devenir une odyssée de près de deux décennies.

Le parcours de Wiegert est emblématique de la persévérance américaine. Pendant des années, il a affiné sa vision, travaillant sans relâche sur des prototypes et des concepts. Le premier fruit tangible de ses efforts fut le Vector W2, présenté en 1978. Ce prototype a captivé l’imagination du public et des médias, promettant une révolution dans le monde des supercars. Cependant, il faudra attendre encore plus d’une décennie avant que cette promesse ne se concrétise sous la forme de la Vector W8.

La période entre la présentation du W2 et la production de la W8 fut marquée par d’innombrables défis. Wiegert a dû naviguer dans les eaux tumultueuses du financement, convaincre les sceptiques, et surmonter les obstacles technologiques. Son approche non conventionnelle, empruntant des technologies à l’industrie aérospatiale, a suscité autant d’enthousiasme que de doutes. Malgré tout, Wiegert est resté fidèle à sa vision d’une supercar qui ne serait pas simplement une évolution des modèles existants, mais une véritable révolution sur roues.

Une Machine d’Exception : L’Incarnation du Futur

Lorsque la Vector W8 a finalement vu le jour en 1989, elle n’était rien de moins qu’une déclaration d’intention sur roues. Chaque aspect de sa conception criait « futur » et « performance », repoussant les limites de ce qui était considéré comme possible dans une voiture de route.

Le Cœur Palpitant : Un Moteur Hors Norme

Au cœur de la W8 se trouvait un moteur qui défiait l’imagination. Basé sur un bloc V8 de 6.0 litres d’origine Chevrolet, ce groupe propulseur avait subi une transformation si radicale qu’il en devenait presque méconnaissable. L’équipe de Vector avait poussé l’ingénierie à ses limites, équipant le moteur de deux turbos massifs et d’un système d’injection de carburant sur mesure.

Le résultat était stupéfiant : officiellement, le moteur développait 625 chevaux, un chiffre déjà impressionnant pour l’époque. Cependant, les rumeurs et certains rapports suggéraient que la puissance réelle pouvait atteindre jusqu’à 1200 chevaux dans sa configuration la plus extrême. Le couple, lui, s’élevait à un vertigineux 880 Nm, offrant une accélération brutale à n’importe quelle vitesse.

Ce qui rendait ce moteur vraiment unique, c’était sa capacité à fonctionner sous des pressions de suralimentation extrêmes. Les ingénieurs de Vector avaient conçu un système de refroidissement et de lubrification capable de gérer les énormes contraintes thermiques et mécaniques générées par une telle puissance. Le son produit par ce V8 bi-turbo était décrit comme apocalyptique, un rugissement qui annonçait l’arrivée d’une machine hors du commun.

Pour transmettre cette puissance phénoménale aux roues, Vector avait opté pour une boîte de vitesses à 3 rapports renforcée, d’origine General Motors. Bien que le choix d’une transmission à seulement trois vitesses puisse sembler étrange pour une supercar, il était justifié par la nécessité de gérer l’énorme couple du moteur. Cette combinaison moteur-transmission permettait à la W8 d’accélérer de 0 à 100 km/h en seulement 3,9 secondes, une performance qui reste impressionnante même selon les standards actuels.

Un Châssis Révolutionnaire : La Fusion de l’Automobile et de l’Aérospatiale

La carrosserie et le châssis de la W8 étaient tout aussi révolutionnaires que son groupe motopropulseur. Wiegert et son équipe avaient puisé leur inspiration dans l’industrie aérospatiale, utilisant des techniques et des matériaux rarement vus dans l’automobile de l’époque.

Le cœur structural de la W8 était une monocoque en aluminium et fibre de carbone, offrant un équilibre parfait entre légèreté et rigidité. Cette structure était recouverte de panneaux de carrosserie en fibre de carbone et Kevlar, des matériaux couramment utilisés dans la construction d’avions de chasse mais révolutionnaires pour une voiture de route. Cette approche permettait non seulement de réduire le poids de la voiture, mais aussi d’offrir une résistance exceptionnelle aux chocs.

Le design extérieur de la W8 était tout aussi avant-gardiste. Avec ses lignes angulaires et son profil bas, la voiture ressemblait plus à un avion furtif qu’à une automobile conventionnelle. Ce design n’était pas seulement esthétique ; il était profondément fonctionnel. Les ingénieurs de Vector avaient passé d’innombrables heures en soufflerie pour optimiser l’aérodynamique de la voiture. Le résultat était un coefficient de traînée de seulement 0,32, un chiffre remarquable qui permettait à la W8 d’atteindre des vitesses vertigineuses avec une stabilité impressionnante.

La suspension de la W8 était également unique. Utilisant un système à double triangulation à l’avant et à l’arrière, elle était conçue pour offrir une tenue de route exceptionnelle à haute vitesse tout en restant suffisamment souple pour une utilisation sur route. Les amortisseurs étaient réglables, permettant d’adapter le comportement de la voiture aux préférences du conducteur ou aux conditions de conduite.

L’Intérieur : Un Cockpit du Futur

L’habitacle de la Vector W8 était peut-être l’aspect le plus futuriste de la voiture. En y pénétrant, on avait l’impression d’entrer dans le cockpit d’un avion de chasse plutôt que dans une automobile.

Le tableau de bord, révolutionnaire pour l’époque, comportait trois écrans CRT (à tube cathodique) pour afficher toutes les informations nécessaires au pilote. Ces écrans remplaçaient les cadrans analogiques traditionnels, offrant une flexibilité inédite dans l’affichage des données. Le conducteur pouvait surveiller tous les paramètres du moteur, de la transmission et du châssis en temps réel, une fonctionnalité qui était bien en avance sur son temps.

Les sièges, moulés en fibre de carbone et recouverts de cuir haut de gamme, offraient un maintien exceptionnel, nécessaire pour résister aux forces g générées par les performances extrêmes de la voiture. Le volant, inspiré de ceux des avions, intégrait de nombreuses commandes, permettant au conducteur de contrôler diverses fonctions sans lâcher le volant.

Malgré son orientation performance, l’intérieur de la W8 n’était pas dépourvu de luxe. Les finitions étaient d’un niveau exceptionnel, avec une attention aux détails qui rivalisait avec les meilleures GT européennes. Chaque interrupteur, chaque bouton était conçu sur mesure, renforçant le sentiment d’exclusivité.

L’Art et la Science de la Fabrication

La production de la Vector W8 était un processus qui relevait autant de l’art que de la science. Chaque voiture était assemblée à la main, nécessitant environ 5000 heures de travail minutieux. Cette approche artisanale permettait un niveau de qualité et de personnalisation inégalé, mais elle rendait aussi la production lente et extrêmement coûteuse.

L’assemblage de chaque W8 commençait par la construction méticuleuse de la monocoque en aluminium et fibre de carbone. Chaque joint, chaque soudure était inspecté avec une précision chirurgicale pour assurer l’intégrité structurelle. Les panneaux de carrosserie en fibre de carbone et Kevlar étaient ensuite ajustés et fixés avec une précision millimétrique.

L’installation du groupe motopropulseur était un processus complexe, nécessitant une coordination parfaite entre les différents systèmes. Le moteur, la transmission, et tous les composants auxiliaires devaient être parfaitement alignés pour assurer des performances optimales et une fiabilité maximale.

L’intérieur de chaque W8 était assemblé avec un soin tout particulier. Chaque pièce de cuir était coupée et cousue à la main, chaque composant électronique était minutieusement calibré. Le résultat était un habitacle qui respirait la qualité et l’exclusivité.

Cette approche artisanale de la production signifiait que chaque W8 était unique. Les clients avaient la possibilité de personnaliser de nombreux aspects de leur voiture, de la couleur extérieure aux finitions intérieures, en passant par certains réglages mécaniques. Cette exclusivité était un argument de vente majeur pour Vector, qui positionnait la W8 non seulement comme une supercar, mais comme une œuvre d’art roulante.

La Lutte Financière : Le Prix de l’Innovation

La production d’une supercar aussi avancée nécessitait des investissements colossaux. Wiegert s’est constamment battu pour maintenir le financement du projet Vector. Chaque aspect de la W8, de son moteur sur mesure à son électronique de pointe, nécessitait des ressources considérables en termes de recherche, développement et production.

Cette pression financière constante a conduit à des retards de production répétés. Les premiers clients ont dû attendre bien plus longtemps que prévu pour recevoir leurs voitures, ce qui a terni la réputation de l’entreprise. De plus, le coût final de chaque W8 – environ 450 000 dollars de l’époque – la plaçait dans une catégorie de prix où la concurrence était féroce et les acheteurs exigeants.

Les tensions avec les investisseurs se sont accrues au fil du temps. Wiegert, déterminé à maintenir sa vision pure de la W8, s’est souvent opposé aux demandes de compromis visant à réduire les coûts ou à accélérer la production. Cette situation a créé un climat de méfiance et d’instabilité au sein de l’entreprise.

Les Défis Techniques : Le Revers de l’Innovation

La nature expérimentale de nombreuses technologies utilisées dans la W8 a entraîné des problèmes de fiabilité qui ont rapidement terni son image. Certains propriétaires ont rapporté des pannes fréquentes, des problèmes électroniques récurrents, et des difficultés à obtenir des pièces de rechange.

Le système d’affichage électronique, si innovant soit-il, s’est avéré particulièrement problématique. Les écrans CRT étaient sujets à des défaillances, et leur remplacement était coûteux et complexe. De même, le moteur, poussé à ses limites, nécessitait un entretien fréquent et expert, ce qui n’était pas toujours facile à obtenir pour une voiture aussi rare et spécialisée.

Ces problèmes de fiabilité ont rapidement entaché la réputation de la W8. Pour une voiture vendue à un prix aussi élevé, les clients s’attendaient à une fiabilité irréprochable, et la réalité ne correspondait pas toujours à ces attentes.

La Fin d’un Rêve : Batailles Juridiques et Héritage Contesté

Les désaccords entre Wiegert et ses investisseurs ont atteint leur paroxysme en 1993. Frustré par les retards constants et les problèmes financiers, le conseil d’administration de Vector a pris la décision radicale d’évincer Wiegert de sa propre entreprise. Cette décision a déclenché une série de batailles juridiques acharnées qui ont effectivement sonné le glas de la production de la W8.

Après seulement 17 à 19 exemplaires construits (le nombre exact reste sujet à débat), la production de la W8 a cessé. L’entreprise a brièvement continué sous une nouvelle direction, produisant le modèle M12 basé sur des composants Lamborghini, mais sans l’implication de Wiegert, l’essence même de Vector semblait perdue.

Ces controverses ont laissé un goût amer dans l’histoire de l’automobile américaine. La W8, qui avait promis de révolutionner l’industrie, est devenue un symbole des défis auxquels sont confrontés les petits constructeurs audacieux dans un marché dominé par des géants.

L’Héritage de la Vector W8 : Un Rêve Inachevé mais Inspirant

Malgré sa fin prématurée, la Vector W8 occupe une place unique dans l’histoire de l’automobile. Elle représente un moment où l’audace américaine a osé défier les conventions établies par les constructeurs européens de supercars.

La W8 a prouvé qu’avec suffisamment de vision et de détermination, il était possible de créer une supercar américaine capable de rivaliser avec les meilleures au monde, tant en termes de performance que d’innovation technologique. Son approche avant-gardiste de la construction automobile, empruntant des technologies à l’industrie aérospatiale, a ouvert la voie à de futures innovations dans le domaine des supercars.

Aujourd’hui, la W8 est devenue une pièce de collection rare et très recherchée. Les quelques exemplaires existants atteignent des prix astronomiques lors des ventes aux enchères, témoignant de l’attrait durable de cette voiture unique. Pour de nombreux passionnés, elle représente une époque où les rêves semblaient pouvoir défier la réalité, où un petit constructeur américain a osé imaginer et construire le futur de l’Amérique.

Fiche Technique : Vector W8

  • Moteur : V8 bi-turbo
  • Cylindrée : 6.0 litres (5973 cm³)
  • Puissance maximale : 625 ch à 5700 tr/min
  • Couple maximal : 880 Nm à 4900 tr/min
  • Transmission : Boîte automatique à 3 rapports renforcée

Performances

  • 0 à 100 km/h : 3,9 secondes
  • Vitesse maximale (théorique) : 389 km/h

Châssis et Carrosserie

  • Structure : Monocoque en aluminium et fibre de carbone
  • Carrosserie : Panneaux en fibre de carbone et Kevlar
  • Suspension : Indépendante à double triangulation avant et arrière

Dimensions et Poids

  • Longueur : 4470 mm
  • Largeur : 1956 mm
  • Hauteur : 1140 mm
  • Empattement : 2640 mm
  • Poids à vide : Environ 1506 kg

Aérodynamique

  • Coefficient de traînée (Cx) : 0,32

Roues et Pneumatiques

  • Avant : 255/45 ZR16
  • Arrière : 315/40 ZR16

Freinage

  • Avant : Disques ventilés de 330 mm
  • Arrière : Disques ventilés de 305 mm

Capacités

  • Réservoir de carburant : 95 litres

Production

  • Période de production : 1989-1993
  • Nombre d’exemplaires : 17-19 (nombre exact débattu)

Prix de vente initial (1989)

  • Environ 450 000 $ US

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